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« Nous sommes au futur. Voici demain qui règne aujourd'hui sur la terre. » René Char
Regarder demain avec les yeux d’hier, c’est l’étrange voyage temporel auquel vous convie LaCinetek ce mois-ci.
Imaginer le futur a toujours été une façon d’observer le présent sous un angle singulier. Les films de notre sélection explorent les rapports entre humains et machines et questionnent les transformations du corps humain comme celles du corps social. Alors qu’elles font la part belle à l’imagination, ces œuvres élargissent nos perceptions de la réalité et projettent sur l’écran les potentialités que le présent recèle. Si l’on s’y reconnaît parfois avec effroi, ces prophéties filmiques, même quand elles ne se réalisent pas, alimentent nos représentations du futur. Une sélection pour interroger l’avenir ou mieux l’affronter.
Avatar des nouvelles technologies, eXistenZ de David Cronenberg (1999) nous plonge dans l’univers du jeu vidéo, dans un dédale où le virtuel se confond avec le réel quand ce sont les corps des joueurs eux-mêmes qui alimentent l’univers du jeu. Avec une ironie grinçante, cette comédie organique revisite des problématiques chères à la science-fiction, où les corps-machines naviguent d’un monde à l’autre, dans un jeu presque interactif avec le spectateur.
Après l’immense succès de son manga Akira, Katsuhiro Ōtomo en fait une adaptation libre en 1988 qui devient un film culte du cyberpunk et inaugure le succès de l’animation japonaise à travers le monde. Poème d’une époustouflante puissance visuelle, les dessins de cet anime construisent un monde ravagé par la violence à la suite de la Troisième guerre mondiale. Un jeune homme s’y découvre un jour des pouvoirs télékinétiques, se retrouvant ainsi au cœur des manigances de l’armée et du pouvoir en place.
La transformation des corps est un thème récurrent des représentations futuristes. L’apocalyptique Je suis une légende (1964) d’Ubaldo Ragona et Sidney Salkow, d’après le roman de Richard Matheson, imagine l’humanité atteinte d’une épidémie provoquant sa mutation en vampires. Un seul homme est épargné, errant dans une Rome abandonnée, cherchant à survivre tant aux morts-vivants qu’à la condamnation de sa soudaine solitude.
Michel Gondry, Leos Carax et Bong Joon-ho signent le mélancolique Tokyo! (2008), déclinant la solitude moderne en trois récits qui scrutent les maux de demain : une femme se transforme progressivement en chaise alors que le désespoir la gagne, un homme créature, rejeté de tous, vit dans les égouts, et un hikikomori ayant choisi de vivre reclus dans sa chambre, peuplent ses histoires aussi étranges que tristement familières.
À l’instar de Rome et Tokyo, New York a aussi inspiré de nombreuses fictions futuristes. Au début des années 80, John Carpenter fait de Manhattan une immense prison, au service d’un État totalitaire. Alors que les détenus parviennent à prendre le président en otage, un malfrat sans scrupules est chargé de le libérer. Écrit en réaction au scandale du Watergate, New York 1997 est une critique acerbe de la surveillance exercée par les États-Unis, et de ses pratiques punitives.
C’est une guerre médiatique qui fait rage dans le New York imaginé par la cinéaste Lizzie Borden dans Born in Flames (1983). À une époque qui voit l'essor des radios pirates, Borden construit un faux documentaire uchronique autour de deux radios activistes pour mieux questionner le sexisme et le racisme d’État : poursuivies par le FBI, ses animatrices “guérillères” luttent pour faire entendre leur voix. Film à très petit budget, Born in Flames est un coup de poing féministe, qui mêle humour et images d’archives, porté par un casting reflétant tant la sororité que l’engagement du film (la réalisatrice Kathryn Bigelow, la militante Florynce Kennedy, etc.).
Les actes de résistance dans un monde dystopique est aussi le fil rouge qui traverse La Jetée de Chris Marker (1962). Film de visions, La Jetée élargit les possibilités du montage en créant un mouvement à partir de photographies, venant troubler la temporalité filmique en entremêlant souvenirs et images du futur. Un présent hanté par le passé et craignant pour l’avenir, rythmé par le battement cardiaque d’un homme luttant pour y croire encore.