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Marseille : Pagnol/Guédiguian

Marseille : Pagnol/Guédiguian

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« C’est pas la capitale, c’est Marseille bébé » Bande organisée

On raconte que Marseille est faite de 111 villages. Du Vieux-Port de Pagnol à l’Estaque rendu célèbre par les films de Guédiguian, cette rétrospective arpente cette ville protéiforme. Si le premier continue d’imprégner l’imaginaire marseillais avec la trilogie qu’il lui consacre dans les années 30, le second en propose un tableau loin des tropes associés à la cité phocéenne, - films de gangsters en tête -, saisissant avec une humanité rare le quotidien de ses habitants. Au-delà de leurs différences, leurs films dessinent en creux une image de Marseille faite de solidarité entre voisinage et portant haut les valeurs du collectif, à travers deux troupes d’acteurs étincelantes.

À l’orée des années 30, le cinéma vit une révolution : l’arrivée progressive des films parlants sur les écrans. Ce qui va vite devenir la norme provoque d’abord des réticences, entre la nouveauté du procédé et le mauvais équipement des salles. L’un des premiers à croire au parlant en France n’est d’ailleurs pas cinéaste : il s’agit de Marcel Pagnol, alors auteur de théâtre à succès. Il y voit un pont entre littérature et 7e art, mais aussi la possibilité de capter les différentes tonalités des parlers locaux, d’en faire entendre la musique. Dès 1931, Pagnol se rapproche de la Paramount et, épaulé d’Alexander Korda, adapte pour l’écran sa pièce Marius, avec déjà en tête l’idée d’une trilogie marseillaise. L’immense succès du film l’encourage dans cette voie : l’année suivante, il crée sa propre société de production et s’attèle, avec Marc Allégret cette fois, à l’adaptation de Fanny ; avant de réaliser lui-même César en 1936, qui sort au cinéma avant d’être réécrit pour le théâtre.

La trilogie, qui capture une certaine idée de Marseille, fixant au passage certains marqueurs, de l’accent à la partie de carte, connaît ensuite un succès mondial. La troupe d’acteurs que l’on retrouve de films en films deviennent des images emblématiques de la ville, ainsi que le quartier du Vieux-Port, qui en porte la marque folklorique et reste un lieu de pèlerinage pagnolesque. Ce qui frappe aujourd'hui est pourtant davantage le caractère universel de la fresque méditerranéenne : les amours tumultueuses de Marius et Fanny servent de toile de fond à un vaste portrait de mœurs, évoquant tant l’appel de la mer que le poids de l’honneur, les arrangements avec la paternité, ou la difficile situation des filles-mères. Entre comédie et mélodrame, les trois films développent des intensités émotionnelles d’une sidérante vivacité, portées au sommet par l’art de Raimu dont le génie ne cesse d’éclater entre burlesque et sens du tragique.

 Marius s’ouvre par un plan sur les voiles des navires, puis un panorama de la ville, jusqu’à une ruelle du Vieux-Port. Soixante-dix ans plus tard, une autre œuvre s’ouvre sur une vue d’ensemble de Marseille : les images sont en couleur, de grandes tours ont poussé sur les collines et le port abrite désormais de larges ferry. L’incipit de La Ville est tranquille (2000) résonne avec l’œuvre de Pagnol et nous projette dans les thèmes qui traversent l’œuvre de l’autre grand cinéaste de la cité phocéenne : Robert Guédiguian. Si les deux artistes partagent un goût pour le travail de troupe et une prédilection pour les scènes de café (on pense au Bar de la Marine de Marius et au Perroquet bleu d’À la vie, à la mort (1999)), le cinéma de Guédiguian est plus directement engagé dans le portrait social et la peinture des mutations de la ville : ses films sont hantés par une nostalgie ouvrière qui fait aujourd’hui face à une industrialisation en déclin. Au fil de sa filmographie, ses personnages et ses acteurs fétiches se métamorphosent comme la ville elle-même, saisissant au passage les bouleversements politiques de notre temps, comme la montée de l’extrême droite, en toile de fond dans Marius et Jeannette (1997) et au cœur de La Ville est tranquille. La dimension chorale de la communauté de voisinage vire ainsi du côté de la fable philosophique, où l’optimisme, la capacité de résistance et l’humanité des personnages s’élèvent en contre-modèle pour mieux mettre en lumière les contradictions, tensions et défis posés par chaque époque.


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