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Michel Legrand

Michel Legrand

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Arrangeur star, jazzman de renom, compositeur de génie, Michel Legrand ne cessa de se renouveler, se plaisant à aborder la musique sous toutes ses formes, tel un chat à neuf vies. Entre l’Europe et les États-Unis, il aura marqué l’imaginaire musical et cinématographique de la seconde moitié du XXe siècle par ses partitions d’un modernisme éclatant, embrassant toutes les émotions et inventant au passage la comédie musicale à la française avec Jacques Demy.

Né en 1932 dans une famille de musiciens, Michel Legrand découvre le jazz alors qu’il est encore adolescent, et s’en fait une passion qui ne le quittera plus. Il étudie le piano et la composition au Conservatoire auprès de Nadia Boulanger qui formera aussi, excusez du peu, Leonard Bernstein, Quincy Jones ou Philip Glass. Au début des années 50, il devient l’arrangeur star des vedettes de variétés de l’époque (Brel, Catherine Sauvage ou Maurice Chevalier) et le producteur Jacques Canetti lui propose de sortir un disque de jazz revisitant des standards de la chanson française (I love Paris), qui lui vaudra une reconnaissance internationale. Ce succès lui permet de diriger les maîtres du jazz moderne que sont Miles Davies, John Coltrane ou Bill Evans dans un album devenu culte Legrand Jazz enregistré à New York en 1958. Il commence alors une prolifique carrière entre l’Europe et les États-Unis.
 
Engagé par François Reichenbach pour mettre en musique les images de son documentaire L’Amérique insolite (1959), c’est par le biais du monteur du film, qui n’est autre que Chris Marker, qu’il se met à fréquenter la bande des Cahiers du cinéma en passe de devenir les cinéastes de la Nouvelle Vague. C’est à leurs côtés qu’il s’engage pleinement dans la composition pour le cinéma, collaborant avec Jacques Demy dès son premier films, Lola (1960), puis avec Jean-Luc Godard et Agnès Varda, faisant même une apparition aux côtés de Corinne Marchand dans Cléo de 5 à 7. Sa collaboration fructueuse avec Reichenbach se poursuit, donnant vie et rythme à sa poésie documentaire comme dans Illuminations (1963), où les lumières de New York scintillent entre les mots de Rimbaud et les notes de jazz. Mais c’est évidemment sa rencontre avec Jacques Demy qui s’avère décisive.
 
La comédie musicale est alors un genre qui n’existe pas réellement en France. Quand chansons il y a, elles servent davantage d’interlude au film, comme une ponctuation ou une mise à distance par rapport à l’action. Demy et Legrand inventent la comédie musicale à la française, assumant l’héritage de la variété française, tout en reprenant les codes de la comédie musicale américaine où le chant et la danse participent pleinement de l’évolution des personnages et de la narration, tout en enchantant le récit. Si les films de Demy, comme Les Demoiselles de Rochefort ou Peau d’âne, ont une saveur de contes, ils s’ancrent aussi fortement dans le réel par leur sujet. On pense bien sûr à la guerre d’Algérie, alors tabou au lendemain de la signature des accords d’Évian, qui sert de toile de fond aux Parapluies de Cherbourg (1963). Ce contraste, qui est au cœur du cinéma de Demy, trouve son point d’équilibre dans la contribution artistique de chacun des deux hommes. Legrand compose des partitions dont le lyrisme touche au cœur, et qui se font souvent métaphores de l’amour, le chant à l’unisson venant figurer de manière sensible les corps et les cœurs unis par la passion qui les emporte. Tandis que les paroles du livret, écrites par Demy lui-même, reflètent avec humour le prosaïsme, pour ne pas dire la trivialité, du quotidien. Cette conjugaison à priori impossible entre une insouciante légèreté et une certaine cruauté du réel, entre la puissance des affects et la vie presque ordinaire des personnages, fait des œuvres Demy/Legrand un modèle d’alliance artistique qui confine au génie.
 
Ses succès discographiques et ses compositions pour la Nouvelle Vague placent Legrand sur le devant de la scène internationale. Au mitan des années 60, il décide de tenter sa chance à Hollywood. Il y rencontre bientôt Norman Jewison en plein montage de L’Affaire Thomas Crown. Avec des heures de rushes sur les bras, ce dernier ne parvient pas à trouver la juste organisation à son film. Legrand compose alors une bande musicale, à partir de laquelle Jewison construira le rythme de son œuvre : c’est une première, les musiques de film étant habituellement composées à part et ajoutée en fin de montage. C’est surtout une réussite fracassante, qui leur vaudra l’Oscar de la meilleure chanson originale pour The Windmills of Your Mind. La carrière américaine de Legrand est lancée et se poursuivra avec de nombreux cinéastes de premier plan, tels que Sydney Pollack, Robert Mulligan ou Barbra Streisand, et de nombreux autres prix, dont deux Oscar de la musique originale.
 
Vers la fin des années 1980, Michel Legrand revient en France et ouvre la dernière partie de sa carrière, consacrée à la musique d'orchestre, concertos et ballets.
 
Quand il a mis son talent au service du 7ème art, Michel Legrand a accompagné tous les genres, de la comédie au drame, du film d’aventures au récit de cape et d’épée — en témoignent, dans cette rétrospective, La Vie de château (Rappeneau, 1965) et Les Trois Mousquetaires (Lester, 1973) —, et chacune de ses partitions reste indissociablement liée à nos souvenirs de cinéphiles. Todd Haynes ne s’y trompera pas en reprenant le thème du Messager (Losey, 1970) dans son dernier film, May December.


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